
Richard Dindo (1944–2025)
Avec ses films à caractère majoritairement politique, Richard Dindo a marqué l'histoire du cinéma suisse dès les années 1970. Le cinéaste est décédé en février dernier à Paris. Les Journées de Soleure et filmo reviennent sur trois réalisations emblématiques de sa carrière prolifique.
C’est le 30 janvier 1971, lors de la 60e édition des Journées de Soleure, que le public découvre son premier opus, «Die Wiederholung», au cinéma Scala. Un texte de 9’000 caractères présente le film dans le catalogue, suivi de deux lignes biographiques, où l’on peut lire que l’auteur «est de ceux qui n’écriront pas de mémoires».
Dindo a tenu sa promesse. Seules cinq photos figurent dans la rubrique «Autoportrait» de son «site web consacré à mes films», et ce qui aurait pu devenir ses mémoires n’a pas dépassé le stade d’«introduction». Le cinéaste y exprime avant tout de l’étonnement, «un sentiment d’irréalité»: «Parfois, j’ai l’impression d’avoir fait [tous ces films] en rêvant, ou en somnambule qui se lève la nuit pour aller tourner un film et qui revient aussitôt après dans son lit pour se recoucher».
Cinéaste somnambule? Ou récidiviste, peut-être? Dans son premier film, Richard Dindo donne la parole à l’écrivain Paul Nizon, autre Helvète exilé à Paris. Selon ce dernier, la répétition (Wiederholung en allemand) est un mouvement en orbite. C’est peut-être ce qui décrit le mieux la trajectoire de Dindo: «Deux-trois thèmes et sept-huit variations», disait-il au sujet de son œuvre. Au nombre desquels figurent, sans aucun doute, le politique et le poétique.
«Die Erschiessung des Landesverräters Ernst S.» (1975), réalisé en collaboration avec le journaliste Niklaus Meienberg, est une enquête sur le pouvoir des gros sur les petits. Pendant la Seconde Guerre mondiale, un jeune soldat suisse est fusillé pour l’exemple, tandis que des hauts-gradés ne cachent pas leurs sympathies pour le fascisme. A sa sortie, le film provoque un tollé: l’élite politique remet en question les méthodes documentaires des auteurs et cherche à empêcher le succès du film. Mais la manœuvre a échoué. Notre featurette filmo raconte comment ce premier opus signé Dindo et Meienberg est devenu un phénomène public.
En 1983, Dindo dresse le portrait d’un autre fracassé de la vie, le comédien populaire Max Haufler. Adulé du public pour son talent, en privé, Haufler n’éprouve que dégoût pour le métier d’acteur. C’est justement cela qui intéresse Dindo, qui mêle éléments fictifs et documentaires pour une étude de caractère, avec la participation de la fille du protagoniste, Janet Haufler, elle-même une comédienne reconnue. Obsédé par son projet mort-né de porter à l’écran le roman «Der Stumme» d’Otto F. Walter, Max Haufler finira par se suicider.
Un autre des quelque quarante films de Dindo qui se sont inscrits dans la mémoire collective suisse est «Dani, Michi, Renato et Max» (1987). Le film, une variation sur le thème «état vs individu», raconte l’histoire de quatre jeunes gens qui perdent la vie lors d’émeutes à Zurich, victimes de violences policières. Comme Ernst S., Dani, Michi, Renato et Max sont des personnages rebelles et sensibles à la fois, qui paient leur quête de liberté de leur vie. Le passé se répète-t-il? Et si oui, comment la société peut-elle s’en servir pour évoluer? Plutôt que de rédiger ses propres mémoires, Richard Dindo s’est attelé avec une assiduité remarquable à écrire la biographie de la Suisse.
Les trois films mentionnés ont tous fêté leur première mondiale aux Journées de Soleure et sont désormais disponibles dans leur version numérique sur filmo. Les 61es Journées de Soleure rendront hommage à l’œuvre de Richard Dindo en 2026.
Ici pour lire la nécrologie que lui consacre la Cinémathèque suisse.
Ici pour l’hommage de Jakob Tanner, publié dans la WOZ.
Enfin, celui que lui rend Marcy Goldberg sur la SRF.
La collection Richard Dindo sur filmo.ch sera accessbile également ici à partir de début mai 2025.
Photo: Richard Dindo en 1971 aux Journées de Soleure